En marge du Salon de l'Agriculture, les partisans d'un Frexit sont interpellés en ligne.
Le Royaume-Uni aurait souffert très largement de la sortie de l'UE, le Brexit étant accusé d'avoir "tué" les exportations agricoles de nos voisins outre-Manche.
Les statistiques et témoignages relayées par les autorités ou dans la presse mettent en lumière les contours d'une crise à laquelle le Covid a aussi amplement contribué.

Dans les allées du Salon de l'Agriculture, Emmanuel Macron a taclé le RN et ses propositions pour aider le monde paysan. Le chef de l'État a fustigé un "projet de décroissance et de bêtise", assurant que le parti de Jordan Bardella était celui "du Frexit". Sans Europe, "il n'y a pas d'agriculture", a-t-il asséné.

C'est dans ce contexte que l'intervention d'un agriculteur britannique a été relayée sur les réseaux sociaux francophones. Cet homme, un peu plus de quatre ans après le Brexit, a expliqué dans les médias outre-Manche qu'il n'avait pas profité d'une sortie de l'UE. Au contraire. Les exportations agricoles, glisse-t-il, ont été progressivement "décimées", selon ses mots. 

Les exportations de viande ont plongé

La presse anglo-saxonne s'est intéressée de très près aux conséquences du Brexit, effectuant des bilans réguliers secteurs par secteurs. Ces derniers mois, l'agriculture est souvent présentée comme en souffrance, en particulier du côté de l'élevage. Le parti travailliste (dans l'opposition) a notamment fustigé l'action du gouvernement et mis en avant des données officielles relatives au commerce. Résultat, les volumes d'exportations de viande vers les pays de l’UE ont diminué de 42% entre décembre 2020 et mars 2023.

Dans un contexte d'inflation massif à l'échelle du Vieux continent, "les producteurs britanniques ne peuvent pas rivaliser sur les prix", a déclaré un spécialiste du commerce international au sein du Conseil de développement de l'agriculture et de l'horticulture (AHDB). "Notre métier n'est pas de vendre du bœuf bon marché, et si le marché est avant tout en demande de produits très abordables, cela représente un défi difficile à relever pour nous." Dans le cas du porc, note le site spécialisé The Grocer, "la situation est plus complexe". La production étant en baisse autant au Royaume-Uni que dans l'UE, on constate que la demande nationale a été priorisée. D'où une quantité moindre de produits à destination des filières d'exportations.

"Les agriculteurs sont devenus cyniques"

Si le marché foncier des terres agricoles tend à se maintenir, la situation de nombreuses PME est présentée comme critique. "Les agriculteurs sont devenus cyniques, ils ne font plus confiance au gouvernement", témoignait un responsable de syndicat agricole auprès d'une envoyée spéciale du journal Le Monde, en mai dernier. La faute au Covid d'une part, qui a fragilisé l'activité, ainsi qu'au Brexit, qui a très largement compliqué les échanges.

La situation du côté des fruits et légumes est assez peu mise en avant outre-Manche, tandis que celle des producteurs de céréales semble relativement stable. Ancien président de la Fédération nationale des clubs des jeunes agriculteurs (NFYFC), Ed Dungait a rappelé à un média spécialisé qu'il s'agit d'une "marchandise mondiale", dont les prix "sont fixés sur les marchés internationaux". Dans ce contexte, il confie n'avoir pas perçu une forme d'avant-après notable lié au Brexit. 

Reste que ces secteurs sont globalement peu développés chez nos voisins, et que le Royaume-Uni n'est pas réputé pour ses tomates, son orge ou ses cerises. L'Observatoire de la complexité économique (OEC) nous rappelle d'ailleurs qu'avant le Brexit, les exportations britanniques de produits alimentaires non carnés étaient pour près de 40% dominées par les alcools forts, le whisky en tête. 

Une bureaucratie qui plombe les exportations

Alors, quelles sont les conséquences négatives du Brexit mises en avant par les agriculteurs britanniques ? Dans les médias anglo-saxons, les critiques ciblent essentiellement les formalités administratives et la bureaucratie imposées par la sortie de l'UE. En matière d'étiquetage des produits, notamment. Dans les colonnes de Politico, le PDG d'une entreprise d'exportation de produits alimentaires assurait il y a quelques semaines que "de nombreux producteurs allaient probablement abandonner le marché européen". Sean Ramsden ajoutait que "cela semble en apparence sans importance de demander à apposer tel ou telle mention sur un emballage", mais "qu'en pratique, cela signifie une transformation des cycles de production." Pour nombre d'entreprises de l'alimentaire, il n'est pas envisageable aujourd'hui de "se lancer dans la réalisation de séries supplémentaires".

Depuis l'officialisation du Brexit, le Guardian a indiqué ces derniers jours que "les entreprises alimentaires britanniques qui envoient des produits vers l’UE ont dû débourser 170 millions de livres sterling supplémentaires en coûts d’exportation en raison des formalités administratives". Le quotidien évoque des changements décrits comme "catastrophiques" pour une partie des exportateurs. 

Parmi les autres motifs de préoccupation liés au Brexit, on peut également citer la mise en place d'accords de libre-échange avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande, tous deux producteurs de viande (bœuf et mouton). Des partenariats accueillis avec réticence par beaucoup d'éleveurs, craignant une forme de concurrence déloyale.

Si le Brexit semble avoir eu conséquences négatives sur l'agriculture britannique, la sortie de l'UE n'en demeure pas moins récente et les mesures d'ajustements sont prises par les autorités. En matière d'aides publiques en particulier, fin de la PAC oblige. Des politiques publiques dont il serait prématuré d'évaluer en l'état l'efficacité. Méfiance donc sur les discours assurant qu'un Frexit conduirait à une reproduction à l'identique des effets du Brexit. La "production agricole britannique représente moins de 1% de la valeur totale" de son économie, glisse le service de recherche économique du département américain de l'agriculture. C'est deux fois moins qu'en France. 

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Thomas DESZPOT

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