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VIDÉO - Zelensky a-t-il exhorté les États-Unis à "envoyer leurs fils et leurs filles" en Ukraine ?

Publié le 3 mars 2023 à 15h30

Source : TF1 Info

Zelensky aurait appelé les États-Unis à envoyer "leurs fils et leurs filles" mourir au combat pour l'Ukraine.
La rumeur s'appuie sur une vidéo sortie de son contexte et largement diffusée sur les réseaux sociaux.
Les Vérificateurs reviennent sur cette fausse information symptomatique de ces théories venues des États-Unis.

Les fausses informations ne naissent pas seulement sur le front. Une vague de désinformation venue des États-Unis enfle depuis plusieurs semaines, gonflée par la visite de Joe Biden à Kiev et les annonces de nouvelles aides en direction de l'Ukraine. Dernier exemple en date, une vidéo de 19 secondes dans laquelle Volodymyr Zelensky aurait déclaré que les enfants des États-Unis devront, eux aussi, mourir pour l'Ukraine.  

Cette publication devenue virale affirme à tort que Zelensky appelle États-Unis à "envoyer leurs fils et leurs filles" mourir en Ukraine, le 28 février 2023
Cette publication devenue virale affirme à tort que Zelensky appelle États-Unis à "envoyer leurs fils et leurs filles" mourir en Ukraine, le 28 février 2023 - Capture d'écran / Twitter

Dans le clip vu des dizaines de millions de fois, on entend le président ukrainien affirmer que "les États-Unis devront envoyer leurs fils et leurs filles exactement de la même manière que nous envoyons nos fils et filles à la guerre". Il poursuit en insistant sur la violence des combats qui attendent ces jeunes Américains. Avant de conclure : "Et ils mourront, Dieu nous en préserve car c'est une chose horrible."

Une vidéo sortie de son contexte

Ici, il ne s'agit ni d'un deep fake, ni d'une fausse traduction. En fait, la phrase a tout simplement été sortie de son contexte. Le passage est issu d'une conférence de presse donnée par Volodymyr Zelensky à l'occasion de la date d'anniversaire de l'invasion russe, le 24 février dernier. Il est alors interrogé par le correspondant de la chaine américaine ABC News au sujet de ces sondages qui montrent une baisse du soutien des Américains dans la livraison d'armes à l'Ukraine. Le président répond alors non pas en 19 secondes, mais en trois minutes. 

Une prise de parole (disponible ici) qu'il débute en remerciant "le peuple américain" et "tous les Américains qui soutiennent l'Ukraine" avant d'évoquer "ces messages dangereux". Rappelant que "les États-Unis n'abandonneront jamais les États membres de l'Otan", le président estime qu'en cas de défaite de Kiev "en raison de l'affaiblissement et de l'épuisement de l'aide" internationale, Moscou pourrait "entrer dans les États baltes, les États membres de l'Otan". Un scénario catastrophe qui provoquerait donc automatiquement une riposte des autres pays de l'Alliance, dont Washington. C’est à ce moment-là que le chef de guerre ajoute : "Et alors, les États-Unis devront envoyer leurs fils et leurs filles exactement de la même manière que nous envoyons les nôtres à la guerre." Dans ce contexte, on comprend que le président ukrainien a mis en garde contre les conséquences d'une victoire du Kremlin pour les Américains. À aucun moment, il n'appelle à l'engagement immédiat des soldats américains. C'est même plutôt le contraire. Cet avertissement sur les potentielles répercussions de la guerre en Ukraine consiste justement à éviter que les États-Unis ne s'impliquent militairement dans ce conflit. 

"Un an au front" : un document inédit de LCISource : TF1 Info

Un montage trompeur, visant à décrédibiliser l'Ukraine. Et surtout Joe Biden, par extension. C'est la raison pour laquelle cette fausse information nous vient directement d'outre-Atlantique. À l'origine, la séquence a en effet été partagée par un média américain, très conservateur. Elle a ensuite été massivement reprise par toute la sphère ultra-conservatrice du pays, dont le sénateur Républicain, Mike Lee, et des comptes très influents qui ont acheté la certification sur Twitter pour gagner en visibilité. Sur le réseau social devenu laboratoire d'Elon Musk, l'un des clips a même atteint plus de sept millions de vues. Un immense succès au point que l'information a déferlé jusqu'en Russie et ses réseaux de propagande. Vladimir Soloviev a notamment partagé cette fausse information une semaine après sa première diffusion. 

Quand Américains et Russes se battent sur le même front

Si le parcours de cette rumeur peut paraître étonnant, ce n'est en fait pas la première fois que les sphères conservatrices américaines participent à la désinformation autour du conflit. Il ne s'agit pas, ici, de propager le récit du Kremlin, mais ces réseaux partagent des objectifs communs avec la Russie. "Ils utilisent le même narratif conspirationniste" afin de servir à chaque fois "des motivations différentes", comme nous le résumait Tristan Mendès France. Maître de conférences associé à l'Université de Paris et spécialiste des cultures numériques, il cite trois cercles distincts. D'abord, le réseau ultra-conservateur cité plus haut et constitué de militants d'extrême droite, nationaux-populistes et pro-Trump. Ils ont une volonté de partager un discours antisystème, qu'importent les conséquences. Ce sont eux qui s'opposaient aux masques ou aux confinements lors de l'épidémie de Covid-19. La deuxième catégorie, ce sont les "Libertariens", ces absolutistes de la liberté d'expression dont la figure principale n'est autre qu'Elon Musk. Et enfin, on trouve aussi une petite frange de l'extrême gauche américaine anti-guerre, dont les plus radicaux usent de tous les moyens pour décrédibiliser Joe Biden et son implication dans le conflit. Trois objectifs pour un seul et même récit, repris allègrement par la Russie. 

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Felicia SIDERIS

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