"Ma sœur a été tuée pour rien" : la colère des proches d'Alicia, morte à cause d'une maîtresse qui n'existe pas

par Virginie FAUROUX | Reportage Sept à Huit : Emilie Blachère et James de Caupennes
Publié le 4 avril 2024 à 12h07

Source : TF1 Info

Le 28 janvier dernier, le cadavre d'Alicia, 28 ans, tuée à coups de couteau et de marteau, était découvert dans son pavillon à Beussent, dans le Pas-de-Calais.
Après deux mois d'enquête, les gendarmes interpellent son compagnon, Nicolas, qui avoue le meurtre, avec un mobile présumé qui laisse pantois.
Le magazine de TF1 "Sept à Huit" retrace ce drame.

Le 22 mars dernier, près de 400 personnes assistaient aux obsèques d'Alicia, près de Boulogne sur Mer, dans le Pas-de-Calais. Une foule compacte venue soutenir ses proches et rendre un dernier hommage à cette jeune infirmière de 28 ans, qui aurait été assassinée par son conjoint Nicolas, le 28 janvier dernier. Un drame incompréhensible pour l'entourage de ce couple sans histoire. Tout a commencé par un coup de cœur lors d'une soirée en 2016, qui s'est poursuivie par sept ans de vie commune. Alicia et Nicolas vivaient dans un pavillon à Beussent, un petit village paisible. La jeune femme travaillait dans un Ehpad, tandis que lui était cantonnier dans la commune voisine. Tous deux partageaient des passions comme la chasse, les rallyes et les animaux. 

Un jeune homme qui exprimait peu ses sentiments

Irina, 19 ans, est la nièce d'Alicia, et c'était sa plus proche confidente. Elle se souvient : "Quand Nicolas est arrivé, ça a été son premier amour. Elle était folle amoureuse. J'allais souvent chez eux et il n'y avait jamais une once de méchanceté, ni de problèmes. D'apparence, c'était un couple complice, fusionnel. Pour elle, tout était tracé", témoigne-t-elle dans le reportage de "Sept à Huit" à retrouver en tête de cet article. Ces derniers temps, Alicia ne cachait pas son désir d'enfant. Nicolas, lui, était plus pudique. Son beau-frère, Sébastien, se souvient d'un jeune homme qui exprimait peu ses sentiments, mais qui pouvait être aussi bon vivant et taquin. "L'impression qu'on avait eu sur lui, et qui était l'impression de beaucoup de monde, c'est que c'était quelqu'un de bourru, qui ne parlait pas beaucoup. Un gros nounours. Il a même été très vite accepté par la famille. Il était invité aux cérémonies style les baptêmes, les mariages", raconte-t-il.

À Noël dernier, un mois avant la mort d'Alicia, Nicolas demande sa compagne en mariage au pied du sapin, devant leurs proches. La nièce d'Alicia décrit ce moment particulier : "Nicolas a donné le petit sachet avec la bague et la petite demande sur le papier. Elle était toute heureuse. Elle en a même pleuré. Je pense que ça faisait deux ans qu'elle attendait que ça se fasse", affirme-t-elle. Pour autant, cette idylle va tourner au cauchemar. Samedi 27 janvier, veille du drame, toute la famille se retrouve chez Sébastien pour l'anniversaire de son épouse. Il assure que "ça s'est très bien passé" : "Il y avait des taquineries parce que c'était la finale de la Star Ac : ma fille était pour la candidate et Alicia était pour le candidat. Et Nicolas était comme d'habitude quand il y a un repas, content, il rigolait".

À 23h30, le couple rentre chez lui. Une demi-heure plus tard, Alicia envoie un message à Irina, avec une nouvelle taquinerie sur l'émission de télévision. Ce sera le dernier signe de vie de l'infirmière. Le lendemain matin, Gaël, voisin et ami du couple, découvre Nicolas hagard. "Je lui dis : 'qu'est-ce qui se passe ?' Il n'a pas pu me répondre, il était en train de pleurer. Et on m'annonce : Alicia est décédée. Ce serait un cambriolage qui aurait mal tourné". Aux enquêteurs, Nicolas déclare avoir découvert le corps de sa compagne sur leur lit, vers 8 heures, à son retour de la boulangerie. Dans la maison, des objets auraient disparu : des outils et une tirelire en forme de clown avec 20 euros à l'intérieur. 

Il n'a pleuré pas très longtemps.
Sébastien, le frère d'Alicia

Après une journée d'audition, Nicolas retrouve ses proches, dont le frère d'Alicia. "Nicolas est revenu très froid, très blanc. Et il m'a dit : 'je suis seul maintenant'. C'est tout ce qu'il m'a dit en rentrant. Et après, il m'a dit : 'Tout le temps où j'étais à la gendarmerie, je suis restée avec le sang de ta sœur sur mes mains. Je n'ai pas eu le droit de me laver les mains'. Les seules informations qu'on a eues, c'était de son père qui m'a dit : 'Seb, ceux qui ont fait ça, c'est des fous. Ils se sont acharnés sur ta sœur. En fait, je n'ai même pas reconnu Alicia'", dévoile-t-il.

Quatre jours après le drame, Nicolas est convoqué par les enquêteurs pour assister à la perquisition de sa maison. Son beau-frère Sébastien est à ses côtés. "Au moment d'aller dans la chambre, il avait peur d'y aller, d'affronter à nouveau la scène. C'est ses mots. Il a pleuré pas très longtemps. En fait, il est sorti en larmes et il a allumé sa cigarette", affirme-t-il. Nicolas s'installe ensuite chez ses parents, à quelques kilomètres de là. Il retourne travailler presque comme si de rien n'était, mais son attitude commence à intriguer ses proches. "On l'a invité à manger. Après, je l'ai invité à la chasse pour lui sortir un peu les idées. Il n'a jamais parlé d'Alicia. Il disait même : 'ils les retrouveront peut-être jamais'", s'étonne Sébastien. 

Les enquêteurs, eux aussi, ont des doutes sur Nicolas. Son récit présente des incohérences face aux constatations des gendarmes. Surtout, l'exploitation de son téléphone révèle l'existence d'une relation extraconjugale avec une femme. Une liaison virtuelle née sur un réseau social, une semaine seulement avant la mort d'Alicia. La jeune femme en question dit s'appeler "Béatrice Leroux" et se présente comme veuve, commerçante à Brest. Nicolas lui a envoyé de l'argent : 50 euros le matin même de l'assassinat et des centaines d'euros les semaines suivantes. En tout, près de 2 500 euros, puisés notamment dans le compte commun du couple. 

Victime d'une arnaque à l'amour

Six semaines après la mort d'Alicia, Nicolas est placé en garde à vue. Il avoue alors avoir assassiné sa compagne à coups de couteau et de marteau dans son sommeil. Il déclare également avoir tenté de l'empoisonner quelques jours avant sa mort en versant un puissant anti-vomitif dans son thé et dans son jus de fruit. Nicolas aurait-il tué sa future épouse pour vivre une histoire avec cette Béatrice ? Selon son avocate, il est trop tôt pour l'affirmer. "C'est un garçon qui est dans une forme de sidération, qui ne parvient pas à expliquer son acte qu'il regrette et qui parle d'un trou noir, d'un immense trou noir lorsqu'il s'agit d'expliquer non pas la mécanique de l'acte, mais la raison d'être. On n'est pas dans ce qu'on voit habituellement du féminicide, c'est-à-dire un homme violent de manière récurrente, et puis une violence particulière qui malheureusement aboutit au décès de la femme", analyse-t-elle.

En garde à vue, les gendarmes lui font une révélation : cette Béatrice Leroux n'existe pas. Nicolas a été victime d'une arnaque à l'amour par ce que l'on appelle "des brouteurs". Ces escrocs opèrent souvent depuis l'Afrique de l'Ouest. Ils appâtent leurs proies avec de faux profils et de beaux sentiments et leur soutirent des milliers d'euros sous des prétextes fallacieux. Devant les enquêteurs, Nicolas s'effondre. "C'est un choc parce que ce garçon simple n'imagine pas que l'on puisse, sur Internet, prétendre être ce qu'on n'est pas ou quelqu'un qu'on n'est pas. Il a vraiment rencontré quelqu'un. Ça paraît absurde, mais c'est ainsi", poursuit son avocate. 

Pour Irène, la nièce d'Alicia, c'est l'incompréhension. "Pourquoi, il n'a pas quitté tata au lieu de faire ça ?", questionne-t-elle. "Je pense qu'il y a certaines réponses qui vont être très dures à entendre, mais on a besoin de savoir la vérité", ajoute-t-elle. Difficile aussi pour Sébastien d'accepter la situation. "En fait, on se dit que ma sœur a été tuée pour rien. Quelque part, on a perdu ma sœur, mais en même temps, on perd un beau-frère qui était aimé des enfants. Et le fait de savoir que c'est lui, c'est comme s'il était mort en même temps que ma sœur", lâche-t-il. Nicolas sera bientôt réentendu par le juge. En attendant, il reste présumé innocent.  


Virginie FAUROUX | Reportage Sept à Huit : Emilie Blachère et James de Caupennes

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