DOCUMENT - Xinjiang : comment le régime chinois efface le peuple ouïghour à huis-clos

par La rédaction de TF1info | Reportage : Justine Jankowski, Marine Zambrano
Publié le 5 mai 2024 à 11h04

Source : JT 20h WE

Le président chinois Xi Jinping doit arriver en France ce mardi pour une visite d'État.
Plusieurs ONG aimeraient qu'Emmanuel Macron évoque le sort des Ouïghours.
Une minorité musulmane du nord-ouest de la Chine, que Pékin persécute depuis des années.
Une équipe du 20H de TF1 s'est rendue dans le Xinjiang, où les Ouïghours semblent effacés de leur propre région.

Le Xinjiang est l'une des régions les plus surveillées au monde où il est presque impossible d'enquêter, comme le confirme le reportage du 20H en tête de cet article. L'équipe de TF1 a été contrôlée en quasi-permanence, de ses chambres d'hôtel jusqu'au milieu du désert. Alors que l'on se croit seul dans les dunes, sans base militaire à l'horizon, une douzaine d'inconnus surgit de tous les côtés avec un seul objectif : stopper les caméras, quitte à employer la force. Ce qu'ils cherchent à cacher à cet endroit, c'est un ancien mausolée Ouïghour, un lieu de pèlerinage aujourd'hui détruit par les autorités. 

Je pense que c'est un groupe ethnique qui sait très bien chanter et danser
Une visiteuse à Kashgar

Dans la région du Xinjiang, où ils sont historiquement installés, que reste-t-il des Ouïghours et de leur culture ? Dans la ville de Kashgar, leur capitale culturelle, ils ne sont plus qu'une attraction touristique. Un défilé costumé, un tour de chameau sur un coin de parking, et des photos en tenue traditionnelle : c'est le parcours typique pour les touristes du reste de la Chine qui viennent visiter la ville. "Je pense que c'est un groupe ethnique qui sait très bien chanter et danser, leurs costumes sont très colorés", estime une visiteuse, "l'image de cette minorité est très positive"

Une minorité qui comprend tout de même officiellement 12 millions de personnes. C'est une population musulmane et turcophone, bien différente de l'ethnie majoritaire en Chine, les Hans. Mais à Kashgar, les Ouïghours semblent avoir disparu du centre-ville. Les maisons sont désertes, et les rares Ouïghours qui restent entretiennent le folklore, avec un discours positif qui semble dicté directement par Pékin. "Tout le monde est très heureux et vit en harmonie", affirme ainsi une propriétaire de maison d'hôtes.

Camps d'internement

La Chine veut faire oublier que ces dernières années, le Xinjiang a connu des émeutes durement réprimées. Si la région a connu des poussées sécessionnistes tout au long de son histoire, la répression du régime s'est accrue depuis 2001. Sous couvert d'une lutte contre la radicalisation islamiste, les autorités ont depuis enfermé près d'un Ouïghour sur dix dans des camps d'internement, selon plusieurs ONG. La Chine dément leur existence et préfère parler d'école de formation à l'ambiance joyeuse, comme le proclament des images de propagande, dont les élèves seraient aujourd'hui tous diplômés.

À l'intérieur, il nous était interdit de parler en ouïghour, on devait parler en chinois
Gulbahar Haitiwaji

Ces centres ont-ils fermé ? Au sud du Xinjiang, si certains ont été démantelés, d'autres sont désormais officiellement des prisons. Des photos issues d'une fuite de documents montrent que les plus jeunes détenus n'ont que 15 ans. À Paris, Gulbahar Haitiwaji n'a rien oublié de son calvaire dans une de ces geôles. Cette mère de famille ouïghour a passé trois ans dans un camp. Libérée en 2019, elle est l'une des rares à oser témoigner devant la caméra de TF1. "À l'intérieur, il nous était interdit de parler en ouïghour, on devait parler en chinois", raconte-t-elle, "et si on ne respectait pas le règlement, ils nous mettaient à l'isolement dans une petite cellule, attachés par les chevilles et les poignets à une chaise métallique".

Au Xinjiang, d'autres détenus servent de main-d’œuvre dans des centaines d'usines, sorties de terre en quelques années à peine. Selon un rapport de l'ONU, la Chine y pratique le travail forcé. Au Xinjiang, la mise au pas de toute une population se joue à huis clos. Les barbes sont interdites aux hommes, et le voile islamique aux femmes, tandis qu'il est interdit de donner des prénoms musulmans à ses enfants. Une assimilation à bas bruit, mais bien forcée, pour contraindre les Ouïghours à devenir des Chinois "comme les autres".


La rédaction de TF1info | Reportage : Justine Jankowski, Marine Zambrano

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